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Tino Sehgal,
l’artiste dont l’œuvre
n’existe pas
par Nicole Esterolle
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Tino Sehgal, l’artiste dont l’oeuvre n’existe pas – puisqu’elle consiste à effacer toute trace d’elle-même – expose au Palais de Tokyo
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Il ne montre rien, mais parle avec les visiteurs, et leur fait apparemment rencontrer quelque chose de non-partageable avec les autres. Ca leur appartient. Il se fait payer en liquide et sans contrat ni paperasse…
Sur l’Image jointe , voici une “oeuvre” de Tino Sehgal, parmi ses «situations construites», qui , est-il annoncé, “se constituent de microspectacles avec des acteurs ou des danseurs. Ils ne se transmettent qu’au présent, en live, de manière orale. Le souvenir de ces situations demeure la seule trace de leur déroulement.”… “La réduction des informations écrites dans mon travail est destinée à offrir l’expérience de l’œuvre de la façon la plus directe” ajoute-t-il…
Voici le chapitre que je lui avais consacré dans mon livre “La bouffonnerie de l’art contemporain” : Tino Sehgal est donc cet artiste dont l’oeuvre consiste à effacer toute trace d’elle-même…
Tino Sehgal se différencie des autres « performeurs » internationaux, qui, pour assurer une pérennité à leur « œuvres » et monnayer leur travail, produisent des objets dérivés: vidéos documentaires, dessins, photographies, morceaux de décor, sculptures, font des conférences, enseignent…Tino Sehgal, lui, se refuse absolument à laisser de telles traces qui pourraient se transformer en reliques. Il rejette même toute forme de « paratexte », autrement dit, pas de catalogue ou fiche d’information destinés aux visiteurs de musée, pas de document descriptif, ni photo, ni film, ni cartel, ni publicité, ni communiqué de presse, ni affiche, ni inscription murale. Il décline les interviews et ne se laisse pas photographier. Ses «situations construites», comme il les appelle, n’existent ne se transmettent qu’au présent, en live, de manière orale. Le souvenir de ces situations demeure la seule trace de leur déroulement.
En dépit de cette ascèse artistique, et parce qu’il faut bien manger, Tino Sehgal vend tout de même son « travail » à de riches collectionneurs qui entrent donc en possession du souvenir impalpable, de l’idée immatérielle de la mise en scène, sans facture, sans trace comptable, en espèces sonnantes de la main à la main. Aucun document annexe photographique ni écrit ne doit venir authentifier la pièce ou donner des instructions pour la reconstituer. «Les acheteurs interprètent les œuvres après avoir été instruits par l’artiste, selon un protocole oral», explique Agnès Fierobe de la galerie Marian Goodman qui non-représente l’artiste à Paris. Donc jusqu’à maintenant tout est parfait, irréprochable et d’une rigoureuse logique dans l’absurde …
Mais là où ça fait grosse polémique, c’est quand le trio Seban- Pacquement – Blistène du Centre Pompidou, décide en urgence, pour ne pas rater un produit qui fait fureur dans les grands réseaux, pour que la France, pays des Droits de l’Homme et des Lumières, reste bien à l’avant-garde de tous les combats pour l’épanouissement de la pensée humaine, d’acheter à la galerie Marian Goodmann une « performance » récente de Sehgal pour la coquette somme de 100 000 euros (montant probable car le centre ne veut pas communiquer le prix d’achat exact, alors qu’il devrait le communiquer à tout citoyen qui en fait la demande, puisque c’est de l’argent public), alors que c’est plutôt les milliardaires ( tous de grands humanistes) qui se paient ce genre de friandise conceptuelle à titre privé, avec leur propre argent, et pour épater leurs copains. Mais là où ça achoppe vraiment, c’est quand Beaubourg est obligé pour sa comptabilité de faire établir une facture à Miss Goodmann, c’est à dire fabriquer un document palpable qui contrevient absolument au protocole d’immatérialité de l’oeuvre, et pour cela, la détruit irrémédiablement.
Autrement dit : Le centre Pompidou a acheté une oeuvre qui, par une opération d’achat donnant présence à ce qui doit n’être qu’ absence, voit sa valeur tant symbolique que marchande, réduite à néant…Vous rendez – vous compte, dans quel casse-tête (ne serait-ce que juridique), dans quel vertigineux embrouillaminis, la triplette pompidolienne nous a précipités, nous, modestes contribuables, qui ne comprenons rien à la haute finance ni à la haute intellectualité de l’art qui va avec ?
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Du 12 octobre au 18 décembre, le Palais de Tokyo présente une exposition conçue par Tino Sehgal (né en Grande-Bretagne en 1976, vit à Berlin), seconde édition d’une série de « cartes blanches » – ces gestes d’artistes investissant la totalité des 13 000 m² de surface d’exposition du Palais de Tokyo – initiée par Philippe Parreno en 2013. Pour cette exposition aussi radicale qu’intense, qui a pour principale matière l’humain dans un Palais de Tokyo métamorphosé, Tino Sehgal présente ses œuvres aux côtés de celles d’artistes qu’il a choisi d’inviter. Détails (ici)
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Biographie de Nicole Esterolle
Schtroumpf Emergent
Classé dans:animation, art visuel, Arts visuels, critique, critique d’art, exposition, installation, performances, pictural, réflexion, vernissage Tagged: 13 Avenue du Président Wilson, Asad Raza, Carte blanche à Tino Sehgal / Palais de Tokyo (FR), cartes blanches, Commissaire : Rebecca Lamarche-Vadel, Géraldine Caizergues, Julia Simpson, La bouffonnerie de l’art contemporain, Le Vadrouilleur urbain (Arts visuels), Manon Lefort-Meekel, Montage: Boucher et Lecland, Nicolle Esterolle, Palais de Tokyo, palais magasine, Philippe Parreno, Rebecca Lamarche Vadel, Tino Sehgal
