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“ C’est nous, les Bataclans, les hédonistes, les inconscients, les vivants.
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The Arts Factory Magazine est l’un des nombreux magazines culturels parisiens et compte bien faire entendre sa voix, celle de toute une génération : « la génération Bataclan ». Dans cette lettre ouverte, réponse aux horreurs survenues le 13 novembre dernier, il n’est pas question de diffuser des messages de haine mais bel et bien de mettre la vie à l’honneur, de mettre la vie avant tout.
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Aujourd’hui a démarré une nouvelle semaine. Aujourd’hui a démarré une nouvelle vie.
Vendredi 13 novembre 2015, six attaques terroristes simultanées ont tué près de 130 personnes et blessé 350 autres, là, en bas de chez nous. On n’a rien compris. Vendredi, c’est toute une génération qui était visée. C’était notre génération dans le collimateur, la génération Bataclan, comme on nous appelle maintenant.
C’est nous les foufous, les hédonistes, les utopistes. C’est nous qui nous lançons dans la vie tête baissée, mais pas si naïvement qu’on le laisse paraître. Pas si inconsciemment, contrairement à ce que vous pensez souvent, papa, maman. On a vingt-cinq ou trente ans, on a des looks de bobos assumés ou d’hipsters peu revendiqués. On est bon enfant, on est des grands enfants. On est des hédonistes utopistes. Et on le restera, parce quoiqu’en dise les autres, on est heureux comme ça.
La génération Bataclan que l’on est se démerde depuis un moment dans une économie mal goupillée. Heureusement, on a des idées tout le temps, partout. On a une imagination débordante et sans limite pour monter de nouvelles boites, de nouvelles assos, de nouveaux projets, de nouvelles applis. Se rencontrer, s’associer, fusionner, créer, échanger, partager. Tout le temps. On sait pas toujours très bien ce qu’on fait, on sait pas trop comment on le fait. Mais on le fait simplement, avec toute la foi qu’on a en notre génération de créateurs et de putains de rêveurs.
Et vous inquiétez pas, papa, maman, on va se démerder avec cette nouvelle donne. On aura peur un temps, mais on sera unis, toujours. À Paris, à Saint Ouen, à Marseille, à Évry. Vous avez peur pour nous. Mais vous pouvez être fiers que l’on corresponde parfaitement au profil de leur cible : créative, métissée, indépendante, rêveuse, dévergondée, généreuse.
Ça avait commencé avec Charlie et l’Hypercacher. On a pleuré, on s’est réunis. Puis le printemps est arrivé, les teufs sont revenues et la vie a repris. Les attaques de vendredi prennent une toute autre ampleur. Parce que c’est la confirmation qu’aujourd’hui – et en vrai depuis janvier -, tout a vraiment changé. Mais ici c’est Paris. C’est Beirut et Tel Aviv. Merci les gars, de nous montrer l’exemple en continuant à vivre à Mar Mikhaël ou sur Lilienblum Street. On va faire comme vous.
Ouais, on est dehors du mardi au dimanche soir, sur les terrasses, à remplir les cendars, et vider nos pintes. Ce qui nous empêchera pas d’aller au Grand Palais ou au Centquatre le lendemain parce qu’on aime en prendre plein la vue et que l’art, ça apaise les mœurs. Ça ne nous empêchera jamais de participer à la COP21, d’aller au vernissage de notre pote Hugo, à la projo du dernier film de Samir ou à l’ouverture du resto de Claire. Parce qu’on participe à la vie de notre ville, parce qu’on s’intéresse à ce que font nos potes, leurs potes et leurs potes à eux.
On nous reproche notre mode de vie ? Ouais, parce qu’on parle fort, qu’on boit beaucoup et qu’on aime tout le temps. On parle fort de nos mecs, de nos meufs, de nos dernières baises. On parle fort de nos doutes, de nos espoirs, de nos envies pour un avenir dont on ne connaît rien mais qu’on attend avec plaisir. On debriefe du monde n’importe comment mais à notre façon, en rallumant une énième gainz. Et on rit encore plus fort parce qu’on a des putains de bons potes. Voilà déjà ce qu’on peut continuer, entres autres, à faire.
Avec les attentats du 7 janvier, ceux du 13 novembre et tous ceux déjoués entre temps, ils veulent en fait qu’on se tape dessus ? Mais jamais on ne succombera au repli identitaire. Nous, on aime trop parler aux autres, qu’importent les professions, les religions. On va se mélanger encore plus, tiens.
Et ouais, ça a été déjà dit et redit, mais on continuera à sortir, à se retrouver, à rire, à râler. Râler toujours encore plus parce qu’on est Parisien. Et qu’ici c’est Paris : le café est trop cher, la bière est parfois fade et le vin souvent râpeux. On va râler parce que la voiture devant a encore zappé de mettre son clignotant, que le métro arrive dans 6 minutes et pas 2, parce que le mec devant prend toute la place sur le trottoir. Et on continuera d’avoir parfois ce goût d’amertume parce qu’il y a quand même un truc qui déconne grave dans ce monde. Mais on fera face à cette nouvelle vie pour la seule raison valable qu’on reste ensemble. Mais genre, tous ensemble. Et on continuera à cloper nos blondes dégueues, à abuser de pintes et de vignasses en terrasses, à aimer tout le temps et à se droguer parfois parce que quand même, la musique est meilleure sous D.
C’est nous, les Bataclans, les hédonistes, les inconscients, les vivants.
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