La chronique de
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Nicole Esterolle
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Au sommaire de ce n° 55:
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1-l’art de la spectacularisation égotique du rien
2- Un séminaire du « Rien à voir » en Poitou –Charentes
3-As-tu vu mon outil visuel ?
4- Luc Ferry se trompe de cible
5-Le changement c’est maintenant ! a dit Flore Pellerin…
6- Quelle nouvelle tête décérébrée pour Pompidou-Metz ?
7-Du refus de la donation Ceres Franco à Carcassonne
8- Faites jouer la CADA !
9 – La Biennale de Bourges : c’est fini…
10- Un texte de Régis Debray à propos des rebelles…agréés par l’Etat
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1-l’art de la spectacularisation égotique du rien
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Oui, de plus en plus de gens commence à comprendre que le « problème » de l’art contemporain dépasse amplement le seul domaine de l’art et de la culture, et qu’il est à la fois facteur et symptôme d’une perte générale des valeurs et d’une déshumanisation de la société.
On commence à oser dire pourquoi et comment l’art est devenu un instrument pour les puissances d’argent et de pouvoir ; pourquoi et comment il a été pour cela vidé de sons sens, de son contenu, de son mystère, de sa spiritualité, comme les religions l’ont été et peuvent l’être encore pour justifier les pires barbaries ; comment il a perdu sa fonction de lien entre les hommes pour exacerber les communautarismes et les rivalités d’appartenance sociale et culturelle, renforcer le repli sur soi et faire flamber les égos et l’individualisme narcissique qui permet un meilleur assujettissement aux appareils de pouvoirs…
Et à ce sujet, je viens de lire le très éclairant entretien avec le sociologue
Jean Pierre Le Goff, paru dans le Nouvel Obs du 21 07 14, intitulé « Génération selfie » et dont je vous livre cet extrait :
le culte de l’ego se développe dans les années 80 au moment où les grands engagements du passé et des idéaux collectifs sont en voie de disparition (…)Le fameux quart d’heure de célébrité warholien n’est rien d’autre qu’un miroir aux alouettes pour individus en mal de reconnaissance. C’est le règne des m’as-tu-vu qui copient pathétiquement les people. Un petit cercle médiatique et mondain composé de personnalités narcissiques fascinées par le pouvoir et l’argent a tendance à se prendre pour le centre du monde, sinon pour les nouveaux maîtres du monde. En face, les citoyens ordinaires sont considérés comme des ringards et des beaufs. Mais une grande partie de la population n’a cure de ce milieu et n’en peut plus de voir ces gens se pavaner(…) certains arrivent heureusement à échapper à la tentation du narcissisme. Ce sont tous ceux qui sont ancrés dans le réel, se passionnent pour leur activité et ont le souci des autres… Il y a aussi tous ceux, intellectuels, journalistes , politiques, qui gardent la passion de la vérité et ont des convictions. C’est de ce côté- là que résident les forces vives sur lesquelles s’appuyer pour sortir de ce climat narcissique délétère et affronter les défis du monde nouveau dans lequel nous vivons »
Ce texte, bien entendu, ne concerne pas spécifiquement l’art dit contemporain, mais on comprend mieux, avec lui, comment cet art-là participe d’une sorte de dégradation générale des rapports humains.
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2- Un séminaire du « Rien à voir » en Poitou -Charentes
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Tous les « m’as-tu-vu » de Charente et Poitou (tradition du goût), se doivent d’aller se faire voir à l’exposition intitulée « Rien à voir » au FRAC Poitou Charentes que Ségolène Royal a réinstallé au village de Linazay ( 212 habitants près de Champagné le Sec)dans les locaux de l’ex – Caprirama, (voir image 1) sorte de Vulcania dédié , non pas au volcans, mais à la race caprine et au fromage Chabichou de réputation mondiale. Ce haut lieu de la crotte de bique et de bouc (voir image 2), qui avait fermé faute de public, a donc été réinvesti par l’art contemporain, qui a encore moins de public…Et d’autant moins que pour cette expo, il revendique clairement son « rien à voir »…Bravo Ségolène ! là, tu es vraiment bonne pour ce qui est du développement durable du Rien et du non-public de l’art!
Voici quelques extraits du dossier de presse de cette célébration du Rien post-fromager en milieu rural:* – Depuis 2008, Jérémie Bennequin pratique le gommage quotidien de pages de livres,
s’attelant plus particulièrement à effacer l’oeuvre de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu . Pratique discrète, il se consacre consciencieusement à cette
«désécriture», manipulant assidûment le côté bleu de sa gomme.
- les oeuvres de Michel Blazy , Plantation de lentilles, sculptures de purée de carotte ou de brocoli, massif de papier toilette rose, sont fragiles et discrètes, éphémères et périssables. « Presque riens », issues d’un travail qu’il qualifie plus volontiers d’activité modeste et domestique,
- Michel de Broin fait d’une Buick le héraut de la résistance à la culture de la performance en la transformant en voiture à pédales. Les éléments«superflus» ayant été retirés .
- Les quatre énoncés performatifs de Victor Burgin abandonnent tout objet concret au profit du langage et croisent philosophie analytique, structuralisme et linguistique. L’œuvre est ici littéralement le langage qui acte, et non plus l’objet.
- Et ainsi de suite…
Et puis signalons – cerise sur le gâtiau – cette stupéfiante journée séminaire du « Rien à voir » qui « réunira des artistes, théoriciens et acteurs de l’art contemporain s’interrogeant sur ces pratiques qui perturbent les normes dont le monde de l’art pensait s’être affranchi. »…Crévindiou !, On n’avait jamais vu ça en pays Chabichou !
Plus d’info : http://www.frac-poitou-charentes.org/telechargements/DP_RienAVoir_FRACpc.pdf
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3-As-tu vu mon outil visuel ?
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On a toujours de bonnes raisons d’évoquer l’incontournable et familier Buren, mais ici ces raisons sont meilleures que jamais, tant elles font bien suite au deux précédents paragraphes…Et puis comment résister au plaisir de vous joindre encore et à nouveau,( comique de répétition) cette irrésistible image (doc 03), la plus lourde de rien, la plus représentative des quarante années d’action ministérielle pour l’éradication du sens en art. Une image qui passera assurément dans l’histoire de l’inepte à travers les âges, avec notre outilleur visuel national et international, dans sa petite veste kamputchéa démocratique très pratique parce que pleine de petites poches pour petits outils et petits crayons, avec son petit sourire satisfait d’avoir réalisé les petites peintures de rien que l’on voit accrochées au bas de l’ escalier monumental d’un grand musée ou de la demeure d’un gigantesque collectionneur…
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4- Luc Ferry se trompe de cible
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J’ai toujours eu, (bien que viscéralement de gauche par ma grand-mère), beaucoup de sympathie et de respect pour ce que dit et écrit Luc Ferry, pour ce qu’il a le courage de dire au sujet de l’art contemporain, pour son affabilité, pour son humanité… et c’est pour cela que j’ai été plus que déçue par ce qu’il a écrit sur Soulages dans le Figaro : un texte, pour moi, vraiment maladroit, mal-venu, catastrophique et atterrant, parce ce qu’il annule tout ce que Luc Ferry a pu dire de juste et pertinent au sujet de l’AC, parce qu’il donne des arguments à la bien-pensance artistique dominante pour le traiter d’attardé et de réactionnaire… Non, Soulages n’est pas à placer dans le même panier que les imposteurs de la posture tels que Koons, Buren, Murakami, Hirst,etc… Oui, Soulages est un vrai metteur en forme, avec un vrai langage plastique qu’il a créé. C’est un grand artiste au même titre qu’Anselm Kieffer, que l’on a aussi tendance à mélanger, parce que sa cote est très élevée, avec les financial artists du rien que je viens de nommer.
Certes, Soulages est un bon produit financier pour spéculateurs…Certes, l’actuel engouement pour lui est excessif…Certes il est un peu survalorisé et « sur-visibilisé » au détriment de quantité d’autres artistes d’une égale puissance créatrice, insuffisamment visibles et reconnus… Certes, Soulages fait dans la « puissance », quand Bissière, son voisin à Lodève, fait dans la douceur et l’humilité… Certes son Musée à Rodez est un peu surdimensionné…et certes il y aura problème à terme pour savoir que faire de ce très beau bâtiment , quand l’engouement médiatique sera retombé, etc… Mais bon, ce qui importe, c’est que Soulages est et restera un vrai et grand peintre…et ce qui est navrant , c’est notre ami Ferry se trompe complétement de cible…Dommage, dommage, pour lui, pour nous, pour l’art !
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5-Le changement c’est maintenant ! a dit Flore Pellerin…
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J’ai lu quelque part que Flore Pellerin, notre nouvelle ministre de la Culture, affichait sur le mur de ses précédents bureaux une affichette où on pouvait lire : « le changement, c’est maintenant »… façon pour elle de suggérer d’en finir avec les vieilles pratiques répétitives… Aurélie Filipetti, qui la déteste dit-on, n’a rien fait en ce sens…Flore, va-t-elle pouvoir faire en sorte qu’on en finisse avec ces vieilles pratiques quarantenaires et très usagées de l’art qui se prétend contemporain ?
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6 – Quelle nouvelle tête décérébrée pour Pompidou-Metz ?
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Onze postulants, avec des dents qui trainent par terre, pour cette nouvelle direction, tous issus du même appareil sans tête et de la même logique décérébrée, que celle de l’ex directeur, subalterne en chef, notoire apologiste du rien, Laurent Lebon, qui avait été à l’origine des difficultés financières de l’établissement. « La région se dit déterminée à couper d’un million d’euros sa subvention (sur un budget de 12 millions), ouvrant un bras de fer avec l’agglomération, statutairement censée se substituer au mauvais payeur alors qu’elle est déjà le plus gros contributeur. »…ça va être rock and roll, mais on ne change pas une logique qui perd!
Plus d’infos : http://www.liberation.fr/culture/2014/08/24/pompidou-metz-centre-du-casse-tete_1086158
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7- Du refus de la donation Ceres Franco à Carcassonne
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La fantastique, inouie, unique, merveilleuse, collection d’art singulier (mais pas seulement puisque quantité d’artistes n’ayant rien à voir avec cette catégorie y figurent) que la mythique mais bien vivante Cérès Franco voulait donner au Musée de Carcassonne vient d’être refusée par la nouvelle municipalité de cette ville… On pleurerait de rage devant autant de désinvolture et d’incurie des responsables politico culturels… On pense à la collection d’Art Brut de Dubuffet, refusée par la ville de Lyon et qui honore la ville de Lausanne…On pense à celle plus récente de Richard Treger qui a dû s’exiler au Portugal, etc. .. Irresponsabilité et ignorance des politiques actuels, certes…mais, bien entretenues par quarante ans de mépris ministériel pour toute expression humaine et sensible dans l’art.(quand par ailleurs on soutient à grand frais l’odieuse collection Lambert)
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8 - Faites jouer la CADA !
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Cyril Chardenon, qui est un de mes lecteurs, m’a fait parvenir l’échange fructueux qu’il a eu avec la CADA (commission d’accès aux documents administratifs), qu’il avait saisie pour obtenir des informations sur les œuvres achetées pour la collection de la Maison Carrée de Nimes).
Si vous êtes curieux, en tant que contribuable moyen, de connaître le prix de tel tas de parpaings ou telle bestiole empaillée achetée par tel FRAC ou tel CAC, vous pouvez vous aussi saisir la CADA.
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9 – La Biennale de Bourges : c’est fini…
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Sur la photo jointe ( doc 06) vous voyez ces deux énormes parpaings reliés par une tige d’acier chromé… C’était une œuvre figurant à la dernière Biennale de Bourges… La municipalité de Bourges (voir lien ci-dessous) a décidé de mettre fin à cette manifestation d’art contemporain de haut niveau, parce qu’elle trouve que cela lui coûte très cher de satisfaire une élite de plus en plus rabougrie… Protestation de la dite élite adoratrice des parpaings qui hurle au populisme et au retour de la bête immonde… Elitisme-populisme : même combat !.. « La fausse distinction de le gauchiasse culturelle languienne vaut bien la vraie vulgarité d’extrême droite » a dit je ne sais plus qui… Si la municipalité de Bourges a besoin d’un modèle pour autre chose que cette Biennale, qu’elle regard un peu ce qui se passe au Mans avec la très exemplaire Puls’art qui est une manifestation d’art d’aujourd’hui, exemplaire et de bon aloi, ni populiste, ni élitiste…
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10 - Un texte de Régis Debray à propos des rebelles, insurgés, révoltés, indignés, révolutionnaires, dissidents et autres subversifs … agréés.
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Schtroumpf Emergent
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